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Une vision du syndicalisme agricole marquée par l’économie

C’est quelques jours après avoir annoncé vouloir briguer un nouveau mandat comme président de la FNSEA que Xavier Beulin est décédé brutalement d’une crise cardiaque.

Xavier Beulin, aux côtés des responsables professionnels d’Auvergne-Rhône-Alpes, était en septembre 2016 sur l’exploitation du Gaec des Prés dans le Puy-de-Dôme.
Xavier Beulin, aux côtés des responsables professionnels d’Auvergne-Rhône-Alpes, était en septembre 2016 sur l’exploitation du Gaec des Prés dans le Puy-de-Dôme.
© S. Chatenet

Xavier Beulin avait apporté un style nouveau à la FNSEA. Patron de Sofiprotéol (renom-mé et transformé en groupe Avril depuis) à l’époque de son élection comme président de la centrale syndicale, il avait une claire notion des enjeux industriels et stratégiques des filières. S’il était critiqué pour cette double casquette par certains, lui, au contraire, revendiquait cette double responsabilité pour ce qu’elle lui apportait de culture économique au service des agriculteurs. Lui-même, à la tête de la fédération des producteurs d’oléoprotéagineux (FOP) à la suite de Jean-Claude Sabin, savait ce que c’était que de bâtir une filière prospère, avec des cartes maîtresses dans l’aval industriel (Lesieur, Diester, etc.) malgré (ou à cause de) une très faible protection de la part de la politique agricole commune. Lors de son élection, il croyait fermement que l’avenir de l’ensemble de l’agriculture passait par ce modèle. De fait, il savait que la protection européenne, écartelée entre des intérêts nationaux trop divers, ne protégerait et ne soutiendrait bientôt plus l’agriculture comme par le passé. Il ne cessait de répéter, encore récemment, que les agriculteurs devaient trouver des solutions par eux-mêmes, en créant des filières solides, solidaires, avec un amont agricole exerçant le rôle principal. Le rôle de l’Etat devait être avant tout de créer des conditions permettant à ces filières de se développer.

 

Les crises de l’élevage

Les crises de l’élevage mais aussi des grandes cultures ont, depuis, rattrapé cette vision mais n’ont pas changé son discours. Tout en bataillant pour un soutien public aux plus touchés par la crise, sur lequel il devait d’ailleurs revenir à la veille du salon de l’agriculture 2017, il insistait toujours sur l’importance des négociations commerciales pour que les agriculteurs retrouvent de la rentabilité. Le processus des négociations doit être inversé, expliquait-il. Non pas partir de baisses des prix consommateurs pour aboutir à des prix agricoles mais partir des charges payées par les paysans pour aboutir ensuite à des prix consommateurs. Toujours plus confiant dans les rouages de l’économie, les progrès de la recherche et des technologies, que dans des subventions ou protections gouvernementales, il se voyait parfois critiqué par des agriculteurs eux-mêmes, au plus fort de la crise de l’élevage, qui demandaient que les pouvoirs publics interviennent dans la fixation des prix.

Plus généralement, Xavier Beulin estimait que la politique économique devait abandonner l’obsession de la demande pour adopter une politique de l’offre qui contribuerait à relancer l’emploi et donc le pouvoir d’achat.

 

Relations difficiles avec Stéphane Le Foll

Une stratégie syndicale qui insistait tout autant sur la diversité des formes d’agriculture, circuits courts, bio, agriculture raisonnée, pluriactivité, etc., dès lors que ces diverses agricultures trouvaient leur marché. Quant aux contraintes écologiques, celles-ci ne devaient pas se traduire par des excès de complexité administrative et devaient préserver la rentabilité des exploitations. Il se disait toujours choqué de voir le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, davantage mettre en avant l’écologie que l’économie du monde agricole, dans son projet d’agroécologie. Entre les deux hommes, le courant n’est jamais bien passé, allant parfois jusqu’au conflit ouvert et un congrès de la FNSEA 2016 très dur. Si dur que Xavier Beulin en était lui-même embarrassé. Ses relations étaient bien plus cordiales avec le président de la République ou le Premier ministre Manuel Valls qu’avec Stéphane Le Foll. Les premiers représentaient souvent un recours, notamment ces derniers mois pour face à la crise agricole.

«Une charge lourde»

Dans une interview à Agra Presse, le 26 janvier, Xavier Beulin avait confié avoir hésité à solliciter le renouvellement de son mandat, évoquant « la charge, qui est lourde ». Il avait décidé de poursuivre sa mission, car « je crois pouvoir encore porter au nom des agriculteurs, un projet. Il consiste à faire reconnaître la diversité de l’agriculture française mais aussi à libérer les énergies dans ce secteur, tout en faisant reconnaître le besoin de politiques publiques. » « Nous sommes dans une situation où les agriculteurs subissent trois crises, expliquait-il, une crise économique, une crise sanitaire, et une autre, climatique. Partir aujourd’hui n’était pas satisfaisant. Plusieurs engagements sont loin d’être aboutis. L’agriculture n’est pas un secteur comme les autres. Il est très exposé, tant sur des contextes économiques que sur des exigences environnementales ou sociétales.»

Que l’agriculture française retrouve son rang en Europe

Quant aux priorités qu’il s’était fixées, «la première c’est que l’agriculture française retrouve son rang en Europe, un rang qu’elle a largement abandonné à ses voisins ces dernières années. Cela implique, pour libérer les énergies, des mesures, sans doute très ciblées com-me la fiscalité ou le statut. Le deuxième objectif concerne la place des agriculteurs dans ce pays. Les enquêtes d’opinion montrent que la population aime les agriculteurs, mais elle en fait souvent des boucs émissaires pour tout et rien. Voyez les émissions multiples qui sont à charge, ou encore ce qui se diffuse sur les réseaux sociaux. C’est affligeant.» Le troisième objectif de Xavier Beulin était « la question de savoir si nous sommes capables d’adapter l’agriculture, dans sa diversité, à des besoins d’efficacité économique. »

 

Un orateur efficace

Cette vision avant tout économique plutôt que revendicatrice du syndicalisme agricole n’empêchait pas le président de la FNSEA d’être un orateur efficace, entraînant ses troupes vers des directions qui pouvaient les surprendre elles-mêmes. S’il était rarement à l’origine de manifestations de rues, il ne s’y opposait pas, dès lors qu’il sentait que la base devait s’exprimer ainsi.

Gros travailleur, hyperactif, même, l’allure plutôt sportive, il se déplaçait souvent en moto, ce qui lui avait valu un accident un jour en venant à Paris. La mort l’a saisi alors qu’il considérait sa mission comme non encore terminée. Sa succession devrait être réglée à l’occasion du prochain congrès de Brest, fin mars, de la FNSEA. Ce sera compliqué.

 

Parcours

«Xavier était le patron de tous les agriculteurs»

Travailleur acharné, défenseur d’une agriculture diverse, compétitive et innovante, porteuse d’avenir pour les producteurs sur tout le territoire, Xavier Beulin s’est engagé très jeune dans le syndicalisme agricole.

Issu d’une famille d’agriculteurs du Loiret, aîné de quatre enfants, il reprend l’exploitation familiale à 17 ans suite au décès de son père, et s’engage rapidement auprès du CDJA de son département. Gravissant les échelons du syndicalisme agricole, il rejoint ensuite la FDSEA puis la Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux (FOP) dont il devient président en 1999. Parallèlement, il devient en 2000 président du groupe Sofiprotéol (renommé Avril en 2014), mis en place par la filière française des oléoprotéagineux. Une responsabilité qui lui sera parfois reprochée après son élection, en 2010, à la tête de la FNSEA.

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