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interview
« S’adapter dans un monde qui change »

L’agriculture est à un tournant. Jacques Chazalet, président de la Frsea Massif central, tire les conséquences pour l’avenir.

© auvergne Agricole

Baisse des revenus, disparition des outils de régulation au niveau européen... l'agriculture est à un tournant. Comment peut-elle aborder l'avenir sereinement ?
2009 est effectivement une tris-te année pour le revenu des agriculteurs français. Mais si cette situation met les pouvoirs publics français et européens face à leurs responsabilités, nous devons nous aussi faire le constat que le monde change et en tirer les conséquences dans nos exploitations et dans nos filières.
Nous avons connu une relative stabilité pendant quelques décennies. Nous la devions à une politique agricole commune dotée d'un budget et d'outils de régulation puissants. Dans le même temps, l'Union Européenne protégeait son modèle agricole et alimentaire par la préférence communautaire. Et si tout n'était pas parfait, forts de cette stabilité, nous avons délaissé le problème du devenir de nos productions et de leur valorisation. Nous étions dans un système où nos principales préoccupations concernaient notre droit d'exploiter, nos droits à produire ou nos droits à paiement, davantage que notre organisation, notre implication dans les filières ou la solidité de nos systèmes de production et la maîtrise de nos charges.
Le monde change. Il n'y a plus de régulation au niveau européen (l'Union y consacrait 30 milliards d'€ en 1992. Elle n'en consacre que moins de 3 milliards en 2009). Ces changements, nous n'en avons pas voulu. Nous étions bien seuls quand la FNSEA manifestait à Bruxelles pour empêcher la suppression des quotas, la baisse des prix et le démantèlement de la préférence communautaire. Et ils sont peu nombreux aujourd'hui ceux qui combattent les logiques de l'OMC!

Vous confirmez que le monde change. Mais quels moyens proposez-vous aux agriculteurs pour affronter ces changements ? Ne peut-on pas simplement réactiver les instruments d'hier ?
Ce serait mentir aux agriculteurs de leur faire croire que l'on peut revenir à l'ordre ancien. D'ailleurs les instruments d'hier ne sont pas forcément ceux qui conviennent pour relever les défis à venir.
L'avenir, c'est un monde avec moins d'intervention publique, où s'exerce une concurrence accrue entre les différents bassins de production, à l'intérieur même de l'Europe ; mais aussi un monde où nos exploitations et nos filières ne manquent pas d'atouts, si nous sommes en mesure de les mettre en valeur.
Dans ce contexte nous devons progresser sur des sujets essentiels comme l'organisation des producteurs, les liens contractuels qui, demain plus qu'hier, devront unir les producteurs et l'aval de leurs exploitations, la gestion individuelle et collective des risques (qu'ils soient sanitaires, climatiques et bien sûr économiques).
Ces sujets nous les avions abordés dans le livre blanc de l'agriculture du Massif central, fruit des réflexions des responsables du Massif sur l'avenir de l'agriculture et de la PAC. Nous devons aujourd'hui aller plus loin et travailler sur les moyens à mettre en œuvre en matière de régulation, de contractualisation ou de gestion des risques.

Que peut apporter la Loi de modernisation de l'agriculture aujourd'hui en discussion ?
La loi de modernisation agricole doit justement offrir aux agriculteurs français les moyens propices à une meilleure organisation des filières. La contractualisation et la gestion des risques font partie de ces outils indispensables à développer.
Les producteurs doivent mieux s'organiser pour regrouper l'offre et peser dans la création et la répartition de valeur ajoutée. C'est le but de la contractualisation en débat, notamment, dans le secteur laitier. Cette contractualisation doit permettre aux producteurs et aux entreprises d'aval des exploitations agricoles de maîtriser les volumes, de gérer les différents créneaux de valorisation. Mais pour être efficace et juste, cette relation contractuelle doit s'exercer dans un rapport de force équilibré entre les différents partenaires et avec des moyens de régulation. Cet équilibre est de la responsabilité des Pouvoirs Publics !
De la même manière, nous devons bâtir des outils pertinents de gestion des risques dans un contexte où les aléas sont de plus en plus présents dans le paysage agricole. Si une partie de la couverture de ces risques doit être envisagée au niveau individuel, l'autre doit indéniablement être supportée par l'état. Un système assurantiel qui reposerait uniquement sur l'engagement financier des producteurs serait en effet nul et non avenu, car tout bonnement inefficace ! La notion de gestion des risques doit ainsi être assurée à deux, par l'état d'abord, et les individus ensuite. Mais elle doit avant tout reposer sur une stabilité des marchés. Pour cela, il faudra trouver des solutions au niveau collectif pour faire face à la volatilité des marchés.
De même, sur la pertinence des systèmes de production et la maîtrise des charges, les pouvoirs pu-blics ont aussi une lourde responsabilité en matière de charges et de contraintes pour redonner de la compétitivité à nos exploitations.

La loi de modernisation agricole sera-telle compatible avec la Pac ?
Nous avons pu constater par le passé, que des actions nationales d'accompagnement et de soutien de l'agriculture pouvaient être sanctionnées par l'Europe au motif d'incompatibilité avec les règles communautaires.
Une situation totalement injuste qui décrédibilise l'état membre et met en difficulté la profession agricole. La loi de modernisation devrait éviter à l'avenir ce genre d'écueil en donnant la possibilité au gouvernement français d'intervenir auprès de ses agriculteurs dans un cadre légal, sans se mettre en porte-à-faux vis-à-vis de l'UE. Nous devrions revenir à un principe d'eurocompatibilité entre les deux niveaux de décisions.
Ceci étant, l'Europe a surtout le devoir de protéger davantage son modèle agricole et alimentaire. La Pac doit être régulatrice. La PAC doit être davantage flexible pour aider plus quand ça va mal. Elle doit être dotée des outils nécessaires pour que les agriculteurs puissent faire face aux crises, en lien avec le soutien de l'état français. Enfin, la Pac doit aider davantage les productions fragiles et les territoires sensibles, le virage vertueux pris sur ce point à l'occasion du bilan de santé mérite d'être consolidé.
Le travail à faire est considérable mais pas insurmontable si nous savons anticiper les changements et nous positionner comme force de propositions.

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