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International
Pourquoi des éleveurs du Burkina-Faso étaient en Auvergne la semaine dernière ?

A l'initiative d'AFDI Auvergne-Rhône-Alpes, dix Burkinabé ont découvert la transformation laitière made in Auvergne à l'occasion d'un séjour de dix jours. Au programme : transformation fromagère au lycée agricole d’Aurillac, visites de fermes dans la région et cours magistraux sur les coûts de production. Une mission inspirante...réciproquement.

La découverte a été totale pour le groupe burkinabé qui est arrivé dans le Cantal le 2 mai, dans le cadre de quatre jours axés autour de la transformation laitière. Déjà, le climat tempéré pour nous, glacial pour eux ! Gustativement ensuite, avec des saveurs nouvelles comme celles dégagées par le bleu qui a surtout séduit Leila Gariko, transformatrice à Ouagadougou et la seule à produire des fromages dans la délégation. Chez elle, les fromages à pâte persillée sont quasiment inconnus. Au Burkina Faso, c'est le dègué qu'on préfère, un yaourt à base de grumeaux de mil, “avec une couleur un peu sombre mais très nourrissant. On peut l'aromatiser avec de la vanille, de la fleur d'oranger. C'est une recette traditionnelle très populaire que les familles peuvent faire elles-mêmes”, détaille la jeune femme, sous l'œil approbateur de ses collègues avec qui elle est venue en formation au CFPPA d'Aurillac, grâce à un partenariat entre l'Union nationale des mini-laiteries et producteurs de lait du Burkina Faso (UMPLB), l'Afdi Auvergne-Rhône-Alpes et l'Énilv d'Aurillac (1). Tous travaillent dans la filière laitière, qu'ils soient transformateurs, éleveurs ou responsables de laiteries, qui récoltent en moyenne 3 M de litres par an.
“Nous sommes 20 millions d'habitants et plus de la moitié de la population vit de l’agriculture, que ce soit en produisant des céréales, des haricots, du sésame, des fruitiers,…”, explique Boureima Sidibé, responsable de laiterie Kossam de Léna (Hauts bassins). En moyenne, les vaches produisent quotidiennement... 4 à 5 litres de lait ; Le pays compte 99 laiteries alimentées en amont par 4 000 producteurs (voir par ailleurs). Trop peu pour répondre à la demande, “surtout en saison sèche. On va essayer aussi de mieux alimenter le bétail. Il arrive un moment où il n'y a plus de matière première alors qu'en plein hivernage, beaucoup de lait est jeté par les producteurs. Alors, nous aimerions apprendre d'autres recettes pour nous permettre d'écouler ce surplus, notamment en produisant du fromage, plus en tous cas que ce que l’on fait actuellement, explique Moumouni Sidibé, gérant de la laiterie Kossam de l'Ouest. On souhaite comprendre d’autres technologies et faire d’autres expériences que ce que l’on connaît déjà pour mettre sur le marché de la crème fraîche, du fromage blanc,…”

Peu de moyens mais des produits de qualité

Alors, le programme concocté par le CFPPA doit les y aider. Sous la houlette de Maxence Virelaude, formateur en technologie laitière et fromagère, ils se sont essayés à la réalisation de crèmes de consommation, de caillés lactiques, de beurre, de desserts lactés... “L'idée était d'échanger sur comment améliorer ce qu'ils font déjà, comment le conserver aussi. Le climat joue beaucoup, la température des locaux,…, confirme le Cantalien. C’est très enrichissant parce moi aussi j’essaie de m’adapter à leurs pratiques forcément différentes, à une culture du goût différente.” Par exemple, ils ont pu échanger sur le riz au lait, consommé “chaud le matin chez eux, et nous comme un dessert froid. Ils ont également beaucoup de déclinaisons de yaourts, ils utilisent des plantes et nous de la présure”. Le lactosérum a également attisé les curiosités : “On jette de la nourriture alors que l’eau peut être donnée aux animaux. Elle contient des vitamines et du sucre.”  
Tout a été consigné par un public ultra-attentif, qui a noté, enregistré, filmé les cours. Parce que finalement, le beurre, Français et Burkinabé en fabriquent. Mais pas de la même façon ! “On utilise un fouet ou des outils traditionnels”, confie Leïla. “Tout le monde n'a pas d’écrémeuse ! appuie Maxence Virelaude, qui s'est adapté aussi à leurs questionnements et à leur environnement de travail. Je n’allais pas leur montrer des outils qu’ils n’ont pas chez eux. Le procédé, au final, on le retrouve, seuls les outils sont différents. Mais avec peu de moyens, on réussit toujours à faire des choses.” Ce qui a surpris positivement la délégation africaine, qui craignait de ne pas pouvoir reproduire chez elle ce qu'elle avait appris au labo, en raison notamment d'équipements “plus petits. Même avec le strict minimum, on peut arriver à faire quelque chose de bon et de qualité”, se réjouissait Leïla.
Les productions burkinabés sont vendues dans des supermarchés mais aussi via des vendeurs ambulants qui alimentent les localités les plus reculées. “Chaque laiterie s’organise aussi des tournées de 24 heures, avec des véhicules frigorifiés pour assurer des livraisons à domicile. Nos clients ont compris l’importance de consommer du lait local”, apprécie Boureima Sidibé.


(1) La Ferdi (Fondation pour les études et recherches sur le développement international), à travers l'Institut des hautes études du développement durable (IHEDD), accompagne la formation professionnelle des acteurs de la filière lait local au Sahel.


Le lait vendu 0,60 cts/litres sorti de ferme

De janvier jusqu’à la saison des pluies, le litre de lait est acheté 500 F CFA. Le reste de l’année, c’est 400 F CFA, soit… 0,60 centimes euros/litres sorti de fermes. Autant dire qu’à ce tarif-là, le lait est difficile à écouler au Burkina Faso. Seule 5% de la consommation nationale est assurée par la production du pays, le reste est importée essentiellement de l’Europe. « Comment demain on rend les produits du Burkina compétitifs par rapport à ceux d’import qui sont toujours bons marchés, car ce sont souvent des produits de dégagement, tout en assurant un revenu décent au producteur ? », résume Catherine Araujo, enseignante-chercheuse au CNRS et intervenante de la Ferdi. « La rémunération suffisante du producteur est la priorité de l’UMPLB. Ce totem que nous, français n’avons pas su préserver dans les années 70, et alors qu’on rame aujourd’hui pour inverser la vapeur, eux y sont viscéralement attachés », témoigne François Anglade, l’une des chevilles ouvrières d’AFDI Auvergne-Rhône-Alpes.
Boureima Sidibé, responsable de la laiterie Kossam de Léna (Hauts-Bassins) relève trois handicaps majeurs : « d’abord, un soutien dérisoire pour ne pas dire inexistant des pouvoirs publics ; un manque de pâturage et de ressources fourragères pour le bétail puisque les éleveurs nourrissent leur troupeau à 60% avec de l’aliment concentré, et une insécurité grandissante ; en particulier dans la région frontalière avec la Côte d'Ivoire, qui rend difficile la collecte et la commercialisation du lait ». En proie aux conséquences du changement climatique depuis plus de quinze ans, qui les a conduits à un changement radical de modèle, passant de la transhumance à la sédentarité, les éleveurs burkinabés expérimentent de nouvelles variétés en partenariat avec une équipe de l’INRA local. Boureima Sidibé évoque de premiers essais prometteurs avec du panicum, une plante fourragère herbacée, du niébé fourrager, des arbres fourragers comme le vetiver ou encore avec le sorgho : « Avec un hectare bien conduit, on arrive à alimenter cinq vaches peules pendant la saison sèche ». Un premier pas que l’Afdi Aura souhaite continuer d’accompagner dans une posture d’échange réciproque.
 
 
 
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