Intempéries
Les réels dégâts du gel encore incertains
Les gelées du 5 au 9 avril ont occasionné d'importants dégâts dans les vignes, les vergers mais également dans les champs où blés, orges et colzas ont été plus ou moins touchés.

L'épisode de gel inédit qui a touché une majeure partie de la France entre le 5 et 9 avril, a occasionné d'importants dégâts tant sur les cultures pérennes qu'annuelles. Vignes, vergers, blés, orges, colzas... Aucune plante n'a été épargnée. Si pour certaines d'entre elles les jeux sont encore loin d'être faits, la récolte d'autres est définitivement perdue pour cette année.
Un tiers de la surface viticole touché à +40%
Dans le Puy-de-Dôme, un tiers de la surface viticole (environ 120 ha / 350 ha) en AOC et IGP présente plus de 40% des dégâts. Sur 25% d'entre eux, la Fédération Viticole enregistre même des dégâts à plus de 60%. Chardonnay, Pinot et Gamay, tous les cépages sans distinction sont touchés. Des dégâts qualifiés "d'irrémédiables" par Pierre Deshors puisque "les bourgeons porteurs des futurs fruits" ont gelé et ne repousseront pas. Les vignerons et viticulteurs attendent la reprise de la végétation pour estimer le véritable impact de cette baisse des températures. "Ces premiers chiffres ne sont pas représentatifs des futures vendanges. Nous aurons des résultats plus fiables d'ici 15 jours à trois semaines " ajoute le président de la fédération des viticulteurs. Les professionnels attendent désormais avec impatience le retour de la pluie et de la chaleur dans l'espoir de voir naître des bourgeons annexes. "Ils ne produiront que 20 à 30% de la quantité normale mais ils atténueront quelque peu les pertes de rendement."
"Nous allons devoir nous adapter"
"Le froid en avril est habituel, mais plus de 25°C les jours précédents, un épisode de gel et les hivers doux, le sont moins. La vigne a poussé, et devient vulnérable au froid " analyse Pierre Deshors. Ce coup de froid vient pénaliser une filière viticole déjà malmenée. Depuis un an maintenant, les fermetures successives des bars, hôtels et restaurants ont entraîné l'effondrement des ventes de vins. "On garde espoir" optimise le vigneron avant d’avouer qu’il règne au sein de la filière "un moral compliqué" et "des exploitations fragilisées".
Ce nouveau coup dur vient frapper en plein vol une filière viticole puydômoise en pleine ascension. Les sécheresses successives et maintenant le froid ralentissent sa dynamique. "Nous avions une bonne reprise de la part de jeunes vignerons et viticulteurs. Le potentiel de notre vignoble les attirait. Désormais avec à peine une année sur trois de favorable, plus la crise de la Covid : tout est en stand-by."
Les céréales touchées
Blés, colzas et orges ont également souffert des gelées. Après avoir réalisé plusieurs tours de plaines notamment en Limagne Nord, Frédéric Moigny, conseiller agronomie à la Chambre d'agriculture, est unanime : " entre 0 et 50% des maîtres brins ont gelé en blé, entre 10% et 90% en orge et sur les colzas les tiges ont éclaté tuant la ramification principale ". Selon l'exposition de la parcelle, les variétés et surtout la date de semis, les dégâts sont plus ou moins importants. "Les parcelles les plus précoces en termes de semis sont celles qui ont le plus de dégâts".
Les prochaines conditions climatiques seront déterminantes pour la réussite du tallage des blés. " Le maître brin produit l'épi le plus gros. Il faut 1,5 talle pour compenser sa production. Si 50% des maîtres brins ont gelé, il faut au moins une talle de plus par pied de blé pour compenser les pertes sur toute la parcelle. Pas de secret, il faut de l'eau dans les trois semaines, un mois qui suivent pour favoriser le tallage." Même si toutes les conditions sont réunies, la compensation ne sera pas totale. La situation est d'autant plus rageante "qu'on partait avec un beau potentiel".
En collaboration avec Arvalis institut du végétal, la Chambre d'agriculture du Puy-de-Dôme propose une enquête pour évaluer l’intensité des dégâts liés à l’épisode de gel. Le questionnaire à remplir est disponible sur la page Facebook de la Chambre d'agriculture.
Concernant le colza, "les tiges ont éclaté" sous l'effet du froid. Le rendement ne sera assuré que par les talles.
Pour Florian Bicard, vice-président de JA 63, "il faut surtout espérer qu'il n'y aura pas d'autres périodes de froid durant les Saints de glace". Quant aux futurs rendements, l'agriculteur ne s'avance pas trop : "tant que la récolte n'est pas dans la remorque, il ne faut rien promettre". La pluviométrie et la disponibilité en eau joueront cette année encore un rôle déterminant dans la réussite des cultures.