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ENSEIGNEMENT
L'enseignement agricole entre enjeux de société et désamour

La mission d'information sur l'enseignement agricole ouverte par le Sénat, et présidée par Jean-Marc Boyer, sénateur du Puy-de-Dôme vient de rendre ses conclusions.

De gauche à droite, Joël Labbé, sénateur du Morbihan, Nathalie Dellatre, sénatrice de Gironde et Rapporteure de la mission d'information et Jean-Marc Boyer, sénateur du Puy-de-Dôme et président de la mission, en  déplacement au campus de VetAgro Sup à Lempdes (63).
De gauche à droite, Joël Labbé, sénateur du Morbihan, Nathalie Dellatre, sénatrice de Gironde et Rapporteure de la mission d'information et Jean-Marc Boyer, sénateur du Puy-de-Dôme et président de la mission, en déplacement au campus de VetAgro Sup à Lempdes (63).
© M. Comte

L'enseignement agricole est né de l'ambition de la France de maintenir et développer son agriculture. Deux siècles plus tard, les ambitions allouées à l'enseignement sont plus fortes que jamais entre adaptation des pratiques au changement climatique, réduction de l'usage des produits phytosanitaires, technologies, renouvellement des générations... Pourtant, elle n'a jamais été aussi mal en point et porteuse d'espoir à la fois. C'est l'une des conclusions de la mission d'information sur l'enseignement agricole. Demandée par le groupe RDSE (Rassemblement démocratique et social européen) du Sénat, elle s'inscrit dans le prolongement de l'examen du projet de loi de finances pour 2021. Au moment de son vote, la chambre avait rejeté les crédits proposés par le Gouvernement pour l'enseignement agricole, les considérant "largement insuffisants".

Des effectifs en baisse

"Il y a un décalage complet entre les missions de l'enseignement agricole et le budget du Gouvernement." Jean-Marc Boyer, sénateur du Puy-de-Dôme était le président de cette mission d'information aux côtés de Nathalie Delattre, sénatrice de Gironde et rapporteure. Accompagnés de 21 autres sénateurs, ils ont auditionné plus de 80 personnes et réalisé cinq déplacements dans cinq départements français à la rencontre de chefs d'établissements, d'enseignants et d'élèves. De ces investigations en résulte un rapport d'information qui sera remis très prochainement à Julien Denormandie, ministre de l'Agriculture. Les conclusions de ce rapport confirment la mauvaise santé des établissements scolaires. En dix ans, les effectifs de la formation initiale ont diminué de 11%. Les filières "services" et "industrie" sont en diminution tandis que les formations "aménagement" et "ventes" sont en augmentation et les formations "production-gestion" restent stables. Cette baisse contraste avec la dynamique de l'enseignement supérieur agricole où les effectifs ont bondi de 14% en cinq ans.

L'agribashing s'immisce dans l'Éducation Nationale

Le rapport de la mission d'information pointe du doigt l'agribashing et la position de l'Éducation Nationale comme causes de ce désintérêt. Jean-Marc Boyer l'affirme  "les centres d'orientation dans les collèges n'ont aucune connaissance de la palette de formations proposée par l'enseignement agricole (...) lors des carrefours des métiers, l'agriculture est relayée dans un coin ". Pour le sénateur du Puy-de-Dôme le déficit d'image du métier d'agriculteur déteint sur les formations professionnelles, elles-mêmes déjà considérées comme une solution alternative destinée principalement aux élèves en difficulté. "Un agriculteur est un chef d'exploitation, un chef d'entreprise à part entière, est l'on sait combien ce métier est exigeant en termes de connaissances."
Ce déficit d'image est entretenu, selon le rapport, par un manque d'informations parfois entretenu par la complexité même de cet enseignement qui compte plus de 160 formations différentes. "Les élèves auditionnés nous ont tous dit la même chose : ils sont venus dans l'enseignement agricole par leurs propres moyens parce qu'ils ont fait des recherches ou parce qu'un membre de leur famille est passé par là."  La mission d'information recommande donc d'agir en premier lieu sur ce point en resserrant notamment les liens entre l'enseignement agricole et l'Éducation nationale. Rejetant toute absorption de l'enseignement agricole par ce dernier, "il doit conserver son indépendance pour garder ses spécificités qui sont une force", Jean-Marc Boyer et ses confrères conseillent l'instauration d'un correspondant de l'enseignement agricole à l'échelle départemental. "Il aurait pour mission de faire le lien avec l'Éducation Nationale afin que les formations agricoles ne passent plus au travers des conseils d'orientation ."
La mission d'information envisage même de renommer l'enseignement agricole : "enseignement agricole, des sciences du vivant et des territoires". Elle propose également de revoir la dénomination des formations et d’abandonner les "acronymes à rallonge" peu parlants et peu attractifs.

Des établissements agricoles en difficulté

Il faudra cependant bien plus qu'une communication renforcée pour soutenir l'enseignement agricole. Moins d'élèves appelle forcément à un coût unitaire de formation plus élevé. La mission d'information note que les bienfaits du plan de redressement financier engagé en 2015 ont été déstabilisés par la pandémie Covid-19. À cela s'ajoute l'interrogation des moyens offerts aux établissements. De nombreux postes d'enseignant sont supprimés depuis 2019 entraînant un blocage à l'ouverture de classes et une réduction de la qualité des formations. Là encore, ce contexte macroéconomique entraîne des situations préoccupantes. Dernier témoignage en date : le lycée agro-environnemental privé du Breuil-Sur-Couze (63) qui sans soutien de la Région AuRA et du réseau des établissements privés (CNEAP) aurait définitivement fermé ses portes en septembre. " Ce lycée est l'exemple même qu'aujourd'hui sans le soutien des acteurs locaux où sont implantés ses établissements, beaucoup ne pourraient pas réaliser de travaux de rénovation, de développement ou même poursuivre leurs activités" note Jean-Marc Boyer. Le sénateur rajoute: "n'oublions pas que ces établissements sont ancrés dans leurs territoires et notamment ruraux et qu'ils participent à leur cohésion".

43 millions d'euros supplémentaires dans le budget

La mission d'information n'hésite pas à trancher dans le vif en affirmant que l'enseignement agricole, autrefois innovant et pilote, est devenu au fil des années un suiveur. Elle appelle donc le ministère de l'Agriculture à réévaluer son positionnement et d'établir un projet stratégique clair et partagé pour redonner des perspectives ambitieuses à l'enseignement agricole entre 2022 et 2027. Elle propose également à ce même ministère de conforter son positionnement au sein de la maquette gouvernementale et exige la participation du ministre chargé de l'agriculture aux débats au Parlement portant sur l'examen du budget de l'enseignement agricole, tant technique que supérieur. Les suppressions d'emplois prévues dans le schéma prévisionnel doivent être gelées.
Jean-Marc Boyer et ses confrères estiment que le budget actuel de l'enseignement agricole devrait être "réévaluer de 43 millions d'euros supplémentaires pour répondre à ces enjeux".

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